Les premiers sportifs de l'aïkido à Bourg A. Perrin »
Parmi les élèves d’Armand, l’actuel professeur,
qui jouit d’une piètre réputation parmi les pratiquants
de la région, un pratiquant du CLAM (un club lyonnais dont le dirigeant
enseigne, outre l’aïkido, le judo, le karaté et le ping-pong....).
C’était un taciturne : il se montrait peu, ne disait rien.
Muté à Paris, formé par un pionnier de l’aïkido sportif, il en revient
illuminé de grades ronflants pour prendre le relai de Perrin dans
l’enseignement de l’aïkido sportif.
Au début des années 1970, le Dr Ballerin décède.
Michel Gillet lui succède à la présidence de la ligue du Lyonnais
et s’investit à ce titre épisodiquement dans le département de l’Ain.
(Au passage, pour la petite histoire, nous avons appris que la propre
fille du Dr Ballerin hébergeait Alain Peyrache lors des stages animés
par ce dernier à Villefranche-de-Rouergue, lorsque celui-ci organisait
des stages avec les plus grands élèves du fondateur, y compris le redouté
maître Chiba qu’il guidait dans de mémorables parties de pêche parmi les
rivières de l’Aveyron. Nadal, la petite-fille du docteur alors âgée de
deux ans, aujourd’hui femme épanouie de 25 ans, a retrouvé Alain lors
d’un stage à Toulouse en 2008. Les larmes aux yeux, nous l’avons vue se
présenter à lui : tant de souvenirs lui revenaient !
Alain est réputé pour son caractère vivant et accessible : il est si loin
du comportement des stars des tatamis ! Aussi, les effusions sont rares
dans son entourage. Ceux qui ont vécu la scène auront ici une explication…
Au passage, rappelons qu’elle a trouvé dans le sillage d’Alain Peyrache
un dojo de qualité où elle pratique depuis avec bonheur, celui de J. Fuzeau,
un ancien de la FFAAA qui a rejoint l’EPA par suite « d’une profonde
incapacité à pratiquer avec des gens qui disent blanc et qui font noir »…
Dont acte.)
En 1981, l’aïkido sort de la fédération de judo, dont l’impérialisme bien
connu conduisait à l’étouffement de la discipline :
les ressources de Jeunesse et Sports étaient déjà utilisées
pour empêcher le développement des pratiques perçues comme concurrentes.
En effet, pour recevoir un agrément, il fallait être membre de la fédération
de judo, qui, commençant par elle-même une charité bien ordonnée,
ponctionnait abondamment les clubs d’aïkido. Cette tradition perdure
d’ailleurs dans la sphère du judo : les plus curieux se renseigneront.
Cette histoire, que bien peu connaissent, mérite à nouveau d’être racontée :
elle éclaire bien des polémiques actuelles. Face au constat de l’impossibilité
structurelle de développer l’aïkido en France, une assemblée générale des
pratiquants, réunis à l’INSEP, décide de quitter l’organisation du judo,
à l’unanimité des voix (moins deux : l’un, M. Galet, inspecteur JS, était
membre des comités olympiques de judo, karaté et aïkido, et voyait dans
toutes ces réunions une occasion précieuse d’arrondir ses fins de mois
en multipliant les notes de frais, une pour chaque discipline. L’autre,
M. Cardot, un prof de gym placé sous sa coupe, ne pouvait être d’un autre avis).
L’histoire, ici, devient amusante :
le professeur parisien de notre élève du CLAM, qui anime toujours
un stage annuel de début de saison,
fameux pionnier de l’aïkido sportif, avait pris devant
une centaine de personnes l’engagement de quitter lui aussi
la fédération de judo. « J’ai pratiqué à l’aïkikaï, avait-il dit.
Maître Tamura est de l’aïkikaï, nous sommes de la même maison :
j’irai là où il sera ». Las !
Avait-il lu Homère ?
Nous n’en sommes pas sûrs : mais cette affaire lui a servi de cheval
de Troie, et les paroles se sont vite envolées.
À peine la réunion terminée, complice des dirigeants du judo,
il arrive avec tous ses amis, occupe les sièges laissés vacants,
et conclut un accord avec les judokas : tous les clubs de judo
hébergeant une section d’aïkido désormais indépendante seraient
chargés de la mettre à la porte, ce qui fut fait avec une minutie
remarquable.
Ainsi, dans cette atmosphère délétère, a commencé à se
développer un aïkido sportif, qui reniait sans vergogne l’esprit et
la lettre de la voie tracée par O Sensei, et qui connaît aujourd’hui
son apogée dans la participation à des compétitions internationales.
(Ceux qui s’intéressent à cette question consulteront avec intérêt
l’entretien qu’Alain Peyrache a accordé sur le site du dojo de Grenoble :
aikido38 l'aikido traditionel de Grenoble »
En 1981 se crée donc la FFLAB : fédération française LIBRE d’aïkido
et de Budo, avec la ferme intention de retrouver les valeurs traditionnelles
de l’aïkido, en conformité avec la volonté du fondateur.
L’AG inaugurale a lieu dans la salle de réunion du restaurant
Le Mouton Noir qui n’est autre que… le siège social du dojo d’Alain Peyrache
à Tassin-la-Demi-Lune.
À cette époque, la FFLAB ne compte qu’environ 500 adhérents.
De nombreux pratiquants, comme Michel Gillet, hésitent pendant une longue
période à la rejoindre : pour lui comme pour d’autres, suivre Maître Tamura
et la FFLAB dans cette aventure représente un pari risquant de compromettre
leur avenir et leur carrière d’aïkidokas.
Il y a donc en 1981 trois clubs sur Bourg qui hésitent :
celui de Saint-Paul de Varax avec Michel Gillet,
la MJC avec Marcel Cornier, et le COSEC Favier avec Armand Perrin.
Au bout d’un an, lorsque la situation ne représente plus guère de risque
et que les adhérents s’accroissent de manière exponentielle,
deux clubs rejoignent la FFLAB. Au COSEC Favier, Armand Perrin mesure
son intérêt personnel et rejoint les collaborateurs du judo avec la FFAAA.
La guerre des tranchées s’installe durablement, stérile, absurde.
Les bonnes résolutions prises à l’origine de la FFLAB durent au mieux
trois années, et les erreurs du passé refont surface. La FFAB, qui tient
à tout prix à rejoindre la tutelle du ministère perd au passage le
« L » qui faisait toute sa valeur, et sans doute lassés, les membres
fondateurs consentent à renoncer partie par partie à l’esprit de leur
discipline.
Alain Peyrache, constatant qu’aucune fédération française ne permet de
poursuivre la voie qu’il s’attache à parcourir quitte alors la FFAB
et poursuit son étude de l’aïkido traditionnel. Les anciens acteurs
de la rupture de 1981 négocient avec ceux qu’auparavant ils appelaient
des « traîtres », bricolent avec eux des passages de grades communs
qui donnent lieu à des foires d’empoigne permanentes et à des querelles
de basse-cour qui ont produit les trente années de gâchis dont tout le
monde s’accorde à déplorer le caractère pitoyable.